Vent des globes, ta mer !

Vous manquez de confiance en vous ? Des complexes profonds sur votre image ou vos capacités ? Suivez ma méthode point par point et vous allez vous aimer, mieux, vous trouver génial.

1- Commencez par marcher sur n'importe quel trottoir de n'importe quelle ville en regardant le ciel et les p'tits oiseaux.

2- Prenez un gadin monumental en butant sur un bout d'asphalte que l'univers vous envoie.

3- Plongez en avant de toutes vos forces et réceptionnez-vous sur le bras, histoire de devoir l'immobiliser en écharpe pendant une bonne quinzaine de jours.

ça y est, votre challenge sportif commence.

JOUR 1 : DOUCHE et HABILLAGE, sans assistance. Les anciens concurrents retrouveront avec nostalgie les mouvements de torsion et tournicotage qui ressemblent un peu à la choré de GangNam Style mais sans la musique. Fous rires, râlages et jurons (d'où le titre de ce blog) garantis. Votre aventure intérieure a débuté.

JOUR 2 : Histoire de vous mettre l'égo en jambes : SHAMPOOING et SECHAGE sur cheveux longs. Durée de l'épreuve : illimitée. Vainqueur de l'étape : Vous ! Au lecteur étourdi qui a cru lire "brushing" : tenir entre ses dents un appareil branché sur du 220 volts, est-ce bien raisonnable ?

JOUR 3 : Les étapes suivantes sont redoutables : LIT et REPASSAGE, toujours d'un seul bras, ça va être un massacre ! A ce stade, vous commencez à dénigrer le savoir-faire des navigateurs chevronnés tant vous vous en éloignez, tel l'explorateur amazonien de votre motricité et inventivité. Résultat médiocre, le summum du ni fait ni à faire. Vainqueur de l'épreuve : Vous !

JOUR 4 : Ce jour est craint mais respecté par tous les vieux manchots briscards : LA VAISSELLE. Jusqu'ici vous mangiez des salades dans leur barquette et rinciez négligemment votre tasse de café. Ce n'est plus possible. Le Check-point de l'égouttoir vous paraît loin mais vous restez concentré sur les gestes circulaires et prudents autour de l'assiette, recto-verso. Vous sortez de l'épreuve fourbu, arrosé de tout côté et un peu coupable d'avoir gaspillé tant d'eau. Une petite musique intérieure commence à se faire entendre : je suis un winner ! Les lecteurs ayant évoqué ici, avec fierté, leur lave-vaisselle, pourront s'inscrire au challenge "huit jours sans électricité dans les Highlands".

A ce stade, il est coutume lors des grands exploits, les Dakar et autres Gazelles, de faire apparaître, sur une jolie carte interactive, la progression des champions. Rassurez-vous, la vôtre va s'afficher avec éclat dans l'appartement : lit mal fait, vaisselle dans l'égouttoir ainsi que les futures corvées qui prennent du retard et que vos visiteurs compatissants ne manqueront pas de souligner. Toute évocation de votre sol et de toute surface plane rigide est encore douloureuse à vos oreilles et pour cause !

Mais vous êtes déjà ailleurs, dans l'admiration de vous-même. Comme un Depardieu-Colomb, vous sentez déjà sous vos pieds le sable d'une plage inconnue, votre territoire gagné de haute lutte. A ce jeu de Kohlanta personnel, aucune équipe de quelque couleur que ce soit, ne vous éliminera !

JOUR 5 : l'épreuve, LES COURSES, sera l'occasion de rencontrer les autochtones qui manifesteront leur curiosité "ouh la ! Vous avez fait quoi ?" Avec humour vous raconterez votre rencontre providentielle avec le bitume, point de départ de votre thérapie initiatique. Mais inutile de s'appesantir car en habitué que vous êtes maintenant, vous ne ferez pas l'erreur stupide d'acheter des fruits ou légumes qui s'épluchent. Vous pourrez compter sur les bienfaits de la civilisation moderne, les surgelés sans la peau. Les concurrents du trail "sans électricité" auront déjà chaleureusement remercié Nicolas APPERT pour son invention de la conserve.

Voilà 5 jours que votre mini handicap s'impose à vous et votre moral en ressort fortifié. Finies les interrogations narcissiques et stériles devant le miroir. un rien vous met en joie : quelques bleus qui apparaissent par ci par là, un soutien-gorge ajusté en moins d'un quart d'heure, l'ouverture de la petite terrine du chat qui ne vous résiste plus, le nouage du sac poubelle presque parfait.

J'arrête ici le récit du challenge. La route est longue encore jusqu'à retrouver l'usage des deux bras. Vous envisagez avec légèreté les épreuves suivantes, coriaces ou même burlesques : les manivelles de vos trop nombreux volets roulants, le raccord vernis à ongles sur main opposée. L'écharpe que vous enlèverez bientôt sera tout à la fois le coquillage et le crédanciel de votre compostelle domestique et moderne.

Mes vrais champions sont ceux qui ne retrouveront pas leur motricité. Quelle drôle de société qui présente les valides aux jeux olympiques avant même les handi-athlètes ou qui glorifie les gambettes d'un footballeur avant l'énergie inépuisable d'une mère portant son enfant et ses courses ! Coubertin t'as tout faux !

(Je dédicace ce petit texte à ma double championne du monde para-karaté, Virginie, avec toute mon affection.)

Photo : schéma du système neuro-moteur du bras.....non j'déconne ! c'est le port de Saint-Tropez, bien sûr !